lundi 19 janvier 2009

Prison: l'escalade de Sarkozy

« Une société se juge à l’état de ses prisons » Albert CAMUS

C’est de manière tragique qu’a débuté l’année dans les prisons françaises puisqu’on assiste, depuis le 1er janvier, à près d’un suicide de détenu par jour. Les rapports dénonçant le non-respect des droits fondamentaux dans les lieux de détention s’enchaînent (notamment par le Comité de Prévention de la Torture) et la France vient de se faire condamner par la Cour Européenne des Droits de l'Homme.
Que faut-il pour que la question du sens et du rôle de la prison soit abordée en France ?

Dans notre organisation républicaine, la prison doit répondre à un équilibre entre les nécessités de l’ordre public et la sauvegarde des libertés individuelles. Par nature, la détention, c’est une remise en cause de la liberté d’aller et venir. Ceci se justifie par les nécessités de l’ordre public : la sécurité publique (la protection de la population contre des personnes potentiellement dangereuses), la sanction des délinquants et criminels, et la réinsertion.
C’est dans la recherche de cet équilibre que notre système juridique repose sur des principes séculaires simples : « Nul ne peut être arbitrairement détenu », « il n’y a point de crime ou de délit sans l’intention de le commettre », « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires », « Nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée. » Ces principes sont inscrits dans la DDHC, dans la Constitution Française et dans le Code de Procédure pénal.

Or on assiste, et plus encore depuis l’élection de Nicolas Sarkozy à un double mouvement qui mettent à mal ces principes :
• Une machine carcérale en surchauffe. Avec près de 64 000 détenus pour 50 693 places opérationnelles (Chiffres du ministère de la justice) la population carcérale a augmenté de 7,8 % en seulement deux ans. Pire, avec 115 décès contre 96 l'année précédente, le nombre de suicide a augmenté de 20%. Pour cause, les conditions de détentions sont totalement indignes : difficulté d’accès aux soins médicaux, entassements dans les cellules… Tout ceci est aggravé par le tournant sécuritaire de l’administration pénitentiaire qui se manifeste par des fouilles à répétitions, des humiliations et tabassages, des mises en isolement (mitard) pendant plusieurs journées, le tourisme carcéral… Tout ceci est possible parce que la prison reste une zone de non droit parce que le règlement intérieur est la norme principale en prison, et parce que le juge administratif refuse encore de contrôler les actes de puissance publique dans les prison en raison de la sécurité. En effet, même si ceci est en voie d’évolution, pour le juge administratif le droit s’arrête aux murs de la prison en raison des conditions particulières de la détention et la nécessité de sécurité qu’elle implique.. Aujourd’hui au nom de la sécurité tout est autorisé. Y compris les atteintes les plus manifestes aux droits de l’homme. Pourquoi ne pas définir un cadre juridique clair des lieux de détention ?
• Une escalade dans la loi pénale qui vient contredire l’ensemble des principes fondateurs de notre tradition républicaine.
Depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, on assiste à une escalade de la loi pénale : peine planchers pour les multirécidivistes, remise en cause de l’ordonnance de 1945 qui prévoit un statut pénal spécial pour les mineurs de 16 ans (alors même que l’enfermement des mineurs se solde par un taux de récidive de 85%), fin de l’irresponsabilité pénale, rétention de sûreté…

Il ne s’agit pas ici de faire de l’angélisme par rapport à la population très particulière que constituent les détenus, ou de dénoncer en bloc le système carcéral, mais d’ouvrir une réflexion sur le sens de la peine de prison. On parle de réinsertion, mais la question est de savoir comment cette peine peut elle être restructurante dans la mesure où elle bafoue la dignité humaine ?
Pourquoi est-ce qu’aujourd’hui elle constitue notre peine de référence alors que l’on constate que la récidive est énorme à la sortie de prison ? Ce taux de récidive est plus important que toute autre alternative à l’incarcération.
Par ailleurs il faut préciser que c’est la peine qui coûte la plus chère (elle coûte 1 600 € par mois et par détenu).
Enfin et surtout cette peine désocialise l’individu au lieu de permettre leur réinsertion.
Ne faudrait-il pas envisager la prison comme une peine plus exceptionnelle, notamment pour les personnes dangereuses ?
Cela nécessiterait de recourir en priorité aux alternatives à la détention (obligation de soins, suivi socio-éducatif, travail d'intérêt général, amende, suspension du permis de conduire, sursis avec mise à l'épreuve, etc…)

Pourquoi ne pas faire de la prison une peine de dernier recours ?

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Dans le meme domaine, à voir^^
http://www.a-cote.eu/

clovis

Thibaut a dit…

C'est bon! la situation dans les prisons va s'améliorer!

Comme réponse aux suicides dans les prisons, D'Harcourt, directeur de l'administration pénitentiaire, vient d'anoncer sans aucun cinisme que les draps des détenus seraient dorénavant en papier pour éviter les pendaisons.

C'est exactement une réponse de cette ampleur que l'on pouvait attendre!